Dans le prolongement de mon édito du mois dernier, nous constatons souvent que la période qui s’ouvre est propice à la réflexion.
Même si notre quotidien se met à l’heure estivale avec un temps qui semble s’étirer et s’écouler plus paresseusement, notre devoir de chef d’entreprise est déjà de préparer la rentrée avec encore quelques incertitudes sur le contexte avenir.
Voici un point de départ de réflexion avec une chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
C’est un art de canaliser l’intelligence collective en gérant des expertises techniques diverses. Que ce soit dans un grand ensemble contenant jusqu’à une centaine de musiciens – comme les grands groupes de cent mille personnes – ou une formation de chambre d’une dizaine d’instrumentistes – comme des PME – partout le chef d’orchestre et le DG doivent gérer les égos et les visions contradictoires de ceux qui veulent se la jouer « solo »…
En poursuivant ce parallèle, je m’appuierais sur la citation suivante : « Les chefs d’orchestre se divisent en trois catégories : ceux qui laissent jouer, ceux qui font jouer et ceux qui empêchent de jouer. ».
- La première catégorie – qui laisse jouer – octroie aux musiciens une « laisse longue » en leur permettant des initiatives, une marge de manœuvre raisonnable pour interpréter l’œuvre musicale. Elle fait confiance à leur expertise technique et à leur capacité à traduire l’intention du compositeur. La vedette ici est à la musique, et le chef d’orchestre est à son service. Le dirigeant dans cette convention fait confiance au professionnalisme et cherche à développer l’ownership de ses équipes, en faire des acteurs à part entière. Il renforce, canalise et oriente l’intelligence collective de façon bienveillante, ce qui résulte en créativité, plénitude et réalisation de soi de l’équipe. Le vecteur du rapport de force avec les N-1 est « bottom up ». Cette posture de dirigeant est typique du leader dit « inspirant », un standard de leadership plébiscité par les jeunes générations.
- La deuxième catégorie – qui fait jouer – impose sa vision et sa façon de faire et dicte son interprétation comme une règle. La « laisse » est plus courte, le musicien devient un exécutant technique, un simple moyen. Le chef d’orchestre fait littéralement marcher ses musiciens « à la baguette » (obligés de lui obéir à doigt et à l’œil). La vedette est ici le chef d’orchestre, et non pas la musique, qui, elle, est à son service. La deuxième configuration est donc diamétralement opposée à la première. Le vecteur du rapport de force est « top down », donc attirer et garder les meilleurs devient plus difficile. Le dirigeant dans cette configuration est presque toujours en posture d’Expert, il manque de hauteur, de stature et renvoie au standard démodé du leader dominant.
- La troisième catégorie – qui empêche de jouer– traumatise les musiciens. La « laisse » devient un « collier étrangleur » : le chef critique, détruit, humilie les musiciens, interdit l’expression de leur individualité, fonctionne sur un mode d’opposition souvent violente. Dans l’entreprise cela se traduit par un manque de confiance et une gestion de crise permanente. Le vecteur du rapport de force est alors une impasse, un goulot qui sert à asphyxier les N-1. Derrière ce « terrorisme managérial » se cachent souvent des profils toxiques, ou des dirigeants qui cherchent à détourner l’attention de leurs propres failles. Ils sont incarnés du côté de la Personne du Triangle Identitaire et transfèrent leurs névroses personnelles dans la sphère professionnelle.
Pour conclure, j’emprunterai ce conseil à Herbert Von Karajan, illustre chef d’orchestre du 20ème siècle : « L’art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l’orchestre. ».
Bonne réflexion et bonnes vacances pour ceux qui ont la possibilité de faire une pause durant l’été !
Édito Juillet 2021
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