Il y a tout juste 70 ans naissait la TVA. Représentant aujourd’hui près de la moitié des recettes fiscales de l’État, la TVA a su traverser sans encombre les années et s’adapter à la mondialisation et aux évolutions technologiques.

Le 10 avril 1954, la loi n° 54-404 a substitué la taxe sur la valeur ajouté à la taxe à la production, par 320 voix pour et 245 contre. À l’initiative de Maurice Lauré, alors directeur adjoint de la Direction générale des impôts, la TVA vient de naître, avant de prendre son essor au plan européen dès 1967.

Initialement tournée vers les échanges de biens et les prestations de services traditionnels et franco-français, la TVA a été confrontée à de nombreuses révolutions, liées notamment à la mondialisation et à l’essor du commerce électronique. Dans un premier temps, l’ouverture du marché unique européen a impliqué la distinction entre les opérations dites intracommunautaires et les importations – exportations. La réglementation s’est donc enrichie de subtilités techniques tant pour le traitement TVA des opérations, avec diverses mesures d’exonérations et le mécanisme d’autoliquidation, réservé dans un premier temps aux acquisitions intracommunautaires, que pour les justificatifs des traitements appliqués, accompagnés de sanctions de plus en plus lourdes.

Confronté à l’ouverture du Marché Unique, Maurice Lauré rappelait qu’un contrôle physique demeurait nécessaire afin d’éviter les lacunes ou les excès de taxation, et qu’il était indispensable « de veiller constamment à ce que tout produit présent à l’intérieur d’un territoire soit grevé de la TVA de ce territoire, et de cette TVA seulement ».

Puis le développement exponentiel du commerce électronique mais également la création de nouvelles prestations de services dites électroniques ont nécessité de nouvelles règles de territorialité pour taxer, si possible, au lieu de consommation tout en essayant de mettre en place des mesures de simplification pour les redevables, telles que le guichet unique permettant de centraliser la TVA due dans différents États membres.

En parallèle, le principe de neutralité, principe fondateur du système TVA, a parfois été mis à mal et a dû être âprement défendu.

Pour rappel, le système de la TVA tel que préconisé par Maurice Lauré s’appuie sur le fait que la TVA facturée à un stade du circuit économique et reversée au Trésor est déductible de celle due par le redevable suivant jusqu’au consommateur final qui supportera définitivement la charge de la TVA. Ainsi, à l’intérieur du processus d’élaboration d’une activité économique, la TVA ne doit, à aucun moment, constituer un coût définitif à la charge de l’une quelconque des entreprises concernées. Chaque redevable intervenant à une étape donnée de l’activité économique doit donc pouvoir répercuter la TVA facturée par ses fournisseurs en amont sur la TVA collectée auprès des entreprises intervenant en aval.

Ce sacro-saint principe de neutralité a notamment été éprouvé en cas de TVA facturée à tort et ayant fait l’objet d’un redressement mais surtout pour les activités des sociétés holding, qu’il s’agisse des frais d’acquisition ou de cession de titres de participation, ou encore de la notion prétorienne de frais généraux. Or, les règles d’application de la TVA étant aujourd’hui issues de directives communautaires transposées en droit français, puis interprétées par les juridictions françaises et la Cour de Justice de l’Union Européenne, il en résulte un millefeuille parfois difficile à digérer.

Comprendre et maîtriser la TVA est donc un enjeu clé pour les redevables de cette taxe. D’autant que la matière évolue sans cesse. Ainsi, les problématiques propres aux évolutions récentes ou à venir, telles que la création du groupe TVA (ou assujetti unique) en 2023 ou la généralisation de la facturation électronique dès 2026 doivent être anticipées.

Si cette grande dame qu’est la TVA a toujours su s’adapter, les mécanismes sont devenus plus alambiqués et le formalisme plus lourd pour les entreprises, d’autant que les pénalités et sanctions en cas de défaillance peuvent s’avérer extrêmement coûteux.

Souhaitons lui néanmoins un très bel anniversaire et de très belles années à venir !

(Source Revue Fiduciaire, 10 avril 2024)